Un vaudeville inattendu façon Jean Cocteau
Au centre du plateau, un grand lit défait, des draps froissés, deux personnages qui tournent en rond, suspendus dans une attente inquiète et coléreuse. Michel, le fils d’Yvonne et Michel, semble avoir découché, c’est la première foiset cela ne passe pas. Le père s’exprime en colère pour cette liberté prise sans l’en informer mais pour la mère c’est une autre affaire ! L’amour passionnel voireœdipienqu’elle ressent pour ce fils ayant dépassé la vingtaine se sent trahi et même trompé.Ce sentiment presque abyssal, outrancier auquel elle se laisse aller au point d’en oublier un mari qui, on va le voir, mène sa vie de son côté, est l’occasion d’une série de rebondissements caractéristique des pièces de boulevard, mais très inhabituel chez Jean Cocteau.
@ Vincent Bérenger
Il faut savoir que pièces précédentes de cet artiste prolifique n’ont pas reçu l’accueil de son public habituel. D’où l’idée qui lui vient en 1938 de tenter le vaudeville avec tout ce que cela implique de comique de situation et d’histoires de couples infidèles. Sauf que dans cette pièce Cocteau ne peut s’empêcher de glisse sa patte imprégnée de mythologie, de lui donner un arrière-fond de tragédie, ou plutôt de tragi-comédie. On pense à la Phèdre de Racine éperdument amoureuse de son beau-fils ou, plus précisément, à Œdipe dans un rapport inversé, celui de l’amour autodestructeur d’une mère pour son fils.
Les éléments d’une tragédie universelle
@ Vincent Bérenger
La pièce fut d’abord un succès puis adaptée par Cocteau au cinéma en 1948 avec son acteur emblématique Jean Marais. Pourquoi Christophe Perton, le metteur en scène, a-t-ilmonté cette pièce aujourd’hui ? Il l’explique en partie en rappelant que pour Cocteau sommeille en nous une vérité, accouchée dans l’intemporalité du langage poétique,« un moi profond, dangereux que nous essayons de dominer à longueur de temps ». Les comédiens embarqués dans cette histoire que le décor inscrit en son temps, s’expriment en jeux contrastés ce qui fait la richesse du spectacle. Grand plaisir de retrouver sur scène Maria de Medeiros, trop rare ces dernières années. Elle incarne la sœur d’Yvonne, généreuse, tout en finesse et élégance dans son abnégation, le tout avec une diction parfaite qui devient rare aujourd’hui. Le contraste n’est pas en faveur de l’interprétation d’Yvonne par Muriel Mayette-Holtz qui vocifère du début à la fin faisant de la mère un personnage livré à l’hystérie d’un amour disproportionné mais gommant quelques nuances qu’il aurait été intéressant d’apprécier. Charles Berling tempère cette furie en restant placide malgré les périlleux rebondissements qui vont suivre aux côtés des jeunes comédiens à l’aise en jeunes tourtereaux. L’esprit et les audaces de Jean Cocteau sous couvert de vaudeville permet de passer une bonne soirée.
Les Parents Terribles au Théâtre Hébertot 78 bis Boulevard des Batignolles. 75017 Paris
Du mercredi au samedi à 20h30. Samedi 15h. Dimanche 15h30
Tarifs de 15 à 53 euros
www.theatrehebertot.com