Lionel Lemonchois, après la Guadeloupe, la Martinique !



Arrivé le 11 novembre à Pointe-à-Pitre en 4e position de la classe Ultime bord de son trimaran Prince de Bretagne, Lionel Lemonchois a dû rendre son record de 2006 à Loïck Peyron qui a réduit de deux heures le temps de référence de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Mais le double vainqueur de l’épreuve est un marin tenace qui a plus d’un tour dans son sac à voile…



Lionel Lemonchois est inclassable. D'aucuns affirment qu'il y a du Eric Tabarly, voire du Francis Joyon en lui. Sorte de menhir breton têtu et indestructible. D'autres le définissent comme un marin éclectique, sans plan de carrière, qui avance à l’instinct. « J'ai toujours avancé en fonction des opportunités. Je n'ai jamais calculé. Quand on me propose quelque chose qui me plait, j'y vais. Tout simplement » rappelle-t-il. Pourtant, au début de sa carrière, l'homme ne se laissait pas approcher si facilement. Par méfiance ? Non, par pudeur. "Par timidité. J'étais très réservé", avoue-t-il aujourd'hui. S'il a tiré ses premiers bords sur le monocoque familial, il a rapidement embarqué sur un multicoque. C’était en 1985. Depuis, Lionel n’a plus cessé de naviguer. Dans le microcosme de la voile, son nom a commencé à circuler au sein des écuries de course qui se montaient ici et là. Et sans vraiment savoir pourquoi ni comment, il s’est régulièrement retrouvé dans le rôle d'équipier de luxe aux côtés des meilleurs skippers : Karine Fauconnier, Pascal Bidégorry, Bruno Peyron, Franck Cammas… Au fil des ans, Lemonchois papillonne à droite à gauche. Au gré des propositions et de ses affinités, il varie les supports et les plaisirs : petit monotype en double ou encore grand multicoque en équipage…Mais depuis bientôt 10 ans, Lionel le ténébreux est passé du second rôle à la lumière, en devenant une des grandes références du multicoque en solitaire.


De l’ombre à la lumière

Sa victoire dans la Route du Rhum 2006 à bord du trimaran  Gitana 11 mené à toute vitesse, avec un record de traversée en 7 jours 17 heures et 19 minutes, va soulever l’admiration de ses pairs et lui valoir un titre de marin de l’année. S’en suivront une série de records au sein de l’écurie Gitana avant de passer sous les couleurs de Prince de Bretagne. Un nouveau partenaire qu’il gratifie d’une seconde victoire dans le Rhum (2010) en Multi50. Son bateau, Prince de Bretagne, est un trimaran de 24 mètres (80 pieds) mis à l’eau en octobre 2012. C’est en fait l’extrapolation d’un ancien 60 pieds ORMA (Sodebo, dont il ne reste que les bras, les dérives et une partie de l’accastillage). Le parti pris a été celui de l’ultra légèreté : le bateau est presque aussi léger qu’un 60 pieds et à peine plus large. Plus long, il permet de mieux passer dans la mer et de naviguer plus « confortablement ». « Au niveau des manœuvres et des efforts, il est très proche d’un ORMA, tout en étant plus marin et agréable à naviguer » confie Lionel qui l’a largement étrenné et vécu une situation extrême à son bord, en chavirant au large du Brésil en janvier 2014 lors d’une tentative de record en solo. Le bateau a subi deux mois de chantier au printemps avant de remporter le Tour de l’île de Wight. Au passage, le Maxi80 Prince de Bretagne a gagné quelques précieux mètres de longueur de flottaison. Il a été pensé à l'aune des derniers progrès technologiques pour gagner en fiabilité et en performance, et repousser un peu plus loin les limites de la course au large. « C'est un trimaran beaucoup plus tolérant avec plus de marge de sécurité qui possède des qualités marines et des réserves. On a voulu, avec Lionel Lemonchois, un bateau de solitaire qui passe bien dans la mer. Il faut savoir que lorsqu'on distribue un volume sur une grande longueur de flotteurs, on a moins de trainée dans l'eau. Et quand on a moins de trainée, on augmente les réserves de flottabilité à l'avant du mât, donc un bateau rapide et sûr ». explique Vincent Lauriot-Prévost l’architecte.

Arrivé en 4e position de la classe Ultime, le 11 novembre à Pointe-à-Pitre en 8 jours 17 heures 44 minutes et 50 secondes, à la vitesse moyenne de 16,89 nœuds, le navigateur qui vient de rendre sa couronne de marin le plus rapide du Rhum ne lâche rien : « Ca a été un belle bagarre, du début à la fin. Evidemment, je suis un peu déçu de finir quatrième parce que je visais le podium, mais j’ai quand même l’impression d’avoir bien été dans le match. Après les Açores, je croyais encore à la deuxième place mais en me décalant un peu au nord pour trouver des vents qui devaient être plus favorables, je suis finalement tombé sur une tempête tropicale en formation. Les premiers se sont échappés et les autres sont revenus. J’aurais sans doute dû jouer davantage le jeu du marquage. Peut-être que j’ai été trop ambitieux mais je pense vraiment que Yann (Guichard, Spindrift 2) était rattrapable, à l’inverse de Loïck (Peyron, Solo Maxi Banque Populaire VII). Lui, la vraie différence, il l’a faite au début, dans les conditions de mer difficiles car il était clairement plus à l’aise. Ensuite, comme il était devant, il a réussi à passer juste devant la dorsale avant que ça ne se referme. A ce moment-là, j’ai compris qu’on ne le reverrait plus ». Lionel Lemonchois, Prince de Bretagne momentanément déchu, est toujours un battant.  Après la remise des prix le 20 novembre dernier, le navigateur et son équipage ont bouclé le tour de la Martinique (96 milles) en 6 heures, 29 minutes et 45 secondes, établissant ainsi un nouveau temps de référence autour de l’île aux fleurs. Histoire de ne pas perdre la main en attendant de nouvelles échéances…
 

David RAYNAL


Site du skipper : www.voile.princedebretagne.com




 
Lundi 12 Janvier 2015
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