Retour de Trump et Répercussions sur l’évolution du tourisme mondial

Vers une croissance modérée sous le poids du protectionnisme ?


Zoubir Bouhoute

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, avec sa politique protectionniste bien établie, ouvre la voie à une période d'incertitude pour l'économie mondiale, marquée par des tensions commerciales qui auront des répercussions considérables sur des acteurs économiques majeurs tels que la Chine, les États-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni.



Ces pays, représentant 51 % du tourisme émetteur à l'horizon 2030, pourraient jouer un rôle déterminant dans la reprise du secteur touristique post-COVID. En effet, la Chine, avec 251 millions de touristes prévus, l'Allemagne (151 millions), les États-Unis (146 millions) et le Royaume-Uni (130 millions) totaliseraient à eux seuls 678 millions de touristes, soit plus de la moitié du volume mondial estimé à 1,328 milliard de voyageurs. Cette situation pourrait compromettre les perspectives de croissance du tourisme mondial, un secteur particulièrement vulnérable aux fluctuations économiques globales, avec des projections désormais moins optimistes pour les années à venir.
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Les premières analyses des indicateurs économiques mondiaux, qui intègrent l'évolution du PIB mondial, des exportations internationales et des arrivées touristiques, font ressortir des dynamiques contrastées sur les deux dernières décennies. La période Obama (2008-2016) a été marquée par une forte reprise économique après la crise financière, favorisant une croissance des exportations et des arrivées touristiques. Le mandat de Trump (2017-2020), axé sur le protectionnisme, a freiné ces dynamiques, perturbant les échanges commerciaux mondiaux, tandis que la présidence Biden a permis un rebond post-pandémique rapide, bien que limité par des ralentissements externes, notamment en Chine.


I - Entre Protectionnisme et Crises Sociales : Quand les Grandes Puissances Redéfinissent l'Économie Mondiale

1. Le Prix du Protectionnisme de Donald Trump : Une Stratégie Risquée pour l'Économie Mondiale
 
Dans un article intitulé "Le prix du protectionnisme de Donald Trump", publié par le Centre d'Études Prospectives et d'Informations Internationales ( CEPII) , Antoine Bouët, Directeur du CEPII, Leysa Maty Sall et Yu Zheng, économistes dans la même institution , analysent les conséquences des mesures protectionnistes prévues par Donald Trump, réélu président des États-Unis en 2024. Avec des droits de douane universels de 10 % et de 60 % sur les produits chinois, cette politique vise à protéger l'industrie américaine mais menace de perturber l'économie mondiale, réduisant les échanges de 3,3 % et le PIB global de 0,5 %. Les économistes mettent en garde contre une guerre commerciale généralisée, affectant notamment les États-Unis, la Chine et l’Europe, tout en accentuant les incertitudes économiques mondiales et la volatilité des marchés.

2. Une Nouvelle Guerre Commerciale entre les États-Unis et la Chine
 
La politique tarifaire de Donald Trump cible principalement la Chine. Le renforcement des droits de douane affaiblirait les exportations chinoises et perturberait les chaînes d’approvisionnement mondiales. Une guerre commerciale prolongée entre les deux puissances pourrait entraîner des représailles de la part de Pékin, exacerbant les tensions économiques globales. Ces rivalités contraindraient également d’autres acteurs, comme l’Union européenne, à ajuster leurs alliances stratégiques, tandis que la volatilité des marchés, notamment dans les matières premières, pourrait aggraver la fragmentation des flux commerciaux mondiaux.

3. L'Allemagne face aux Répercussions du Protectionnisme

L’Allemagne, moteur économique de l’Europe, traverse une période difficile marquée par une récession prolongée et des bouleversements politiques internes. Le licenciement du ministre des Finances, Christian Lindner, a fragilisé la coalition au pouvoir, laissant présager des élections anticipées en 2025. Sur le plan économique, des géants industriels comme Volkswagen subissent une baisse de la demande pour les véhicules électriques, ce qui les conduit à fermer plusieurs usines. La politique protectionniste américaine pourrait aggraver cette situation pour une économie fortement dépendante des exportations. Cependant, l'Allemagne conserve des atouts, notamment dans la transition énergétique et l’innovation, qu’elle devra mobiliser pour préserver sa compétitivité.

4. Les Impacts du Retour de Trump sur la Balance Commerciale du Royaume-Uni

Le retour de Trump pourrait fragiliser davantage la balance commerciale du Royaume-Uni en limitant l'accès de ses exportations au marché américain. Une telle situation risquerait de réintroduire des barrières tarifaires, d'entraver les investissements américains au Royaume-Uni et de raviver l'inflation, compliquant ainsi la reprise économique du pays. Entre 2009 et 2024, les exportations britanniques ont été affectées par les politiques économiques de chaque administration américaine. Sous Obama (2009-2016), elles ont augmenté de 2,8 % grâce à une politique de libre-échange avantageuse. Sous Trump (2017-2020), cette tendance s'est inversée, avec une baisse de 2,8 % en raison de mesures protectionnistes. Enfin, sous Biden (2021-2024), les exportations ont rebondi de 5,5 % avec un retour à une politique plus ouverte.

5. La France face à la Crise Sociale et aux Réformes de Michel Barnier

En France, Michel Barnier, nommé Premier ministre en septembre 2024, est confronté à une crise sociale exacerbée par les restrictions budgétaires imposées et l’annonce de plans sociaux majeurs par des entreprises emblématiques comme Michelin et Auchan, menaçant des milliers d’emplois. Ces restructurations, combinées à des réformes éventuelles ‘’impopulaires’’ sur les retraites et la fiscalité, alimentent un mécontentement croissant, faisant craindre un soulèvement social similaire à celui des Gilets jaunes en 2018-2019.

II - Vingt ans de PIB mondial sous influence américaine : Obama le Redresseur, Trump le Perturbé et Biden le Relanceur.

Depuis 2008, l’économie mondiale a été marquée par des événements déterminants, tels que la crise financière de 2008 et la pandémie de COVID-19, qui ont influencé l’évolution du PIB global. Chaque président, de Barack Obama à Donald Trump en passant par Joe Biden, a répondu de manière spécifique aux crises économiques, alternant entre périodes de croissance et de récession. Sous Obama, des politiques de relance ont favorisé une reprise après la récession de 2008, tandis que la présidence de Trump a débuté sur une croissance avant d’être frappée par une récession brutale due à la pandémie. La présidence de Biden a quant à elle permis une reprise rapide après la crise sanitaire. En ce qui concerne le second mandat de Trump, prévu de 2025 à 2029, il devrait se caractériser par une stabilité économique et une croissance plus modérée.


1. Barack Obama (2009-2016) : Relance après la Crise Financière Mondiale

Lorsque Barack Obama prend ses fonctions en 2009, le monde est plongé dans la crise financière mondiale de 2008. En réponse à cette catastrophe, les États-Unis lancent des politiques de relance économique ambitieuses, dont des programmes de soutien aux entreprises, des réductions fiscales et des investissements massifs dans les infrastructures. Cette stratégie permet une reprise progressive, avec un PIB mondial qui rebondit dès 2010 avec une croissance de 5,36 %. Les années suivantes, notamment de 2011 à 2012, voient des taux de croissance soutenus, atteignant jusqu’à 4,17 %. Sur l'ensemble de ses deux mandats, la croissance mondiale oscille entre 3,26 % et 4,35 %, marquant un redressement durable après la récession.

2. Donald Trump (2017-2020) : Stabilité Initiale et Choc de la Pandémie

Sous la présidence de Donald Trump, l’économie mondiale entre dans une période de stabilité relative, marquée par des politiques protectionnistes et une baisse des impôts aux États-Unis. Les premiers résultats sont positifs, avec un PIB mondial qui progresse de 3,82 % en 2017, et 3,63 % en 2018. Cependant, la croissance ralentit en 2019 à 2,84 %, avant de connaître un véritable cataclysme en 2020. La pandémie de COVID-19 provoque un effondrement économique mondial, avec une chute de -2,69 % du PIB global. Cette crise sanitaire a perturbé les chaînes d'approvisionnement, entraînant des récessions économiques à l’échelle mondiale et impactant fortement les échanges internationaux. Sur l'ensemble de son mandat, Trump connaît une moyenne de croissance économique de 1,9 %, bien inférieure à celle de ses prédécesseurs.

3. Joe Biden (2021-2024) : Une Reprise Post-Pandémique

Lorsque Joe Biden prend ses fonctions en janvier 2021, la pandémie de COVID-19 est encore en cours et l’économie mondiale est en pleine récession. L’une des priorités de son administration est de stimuler la reprise économique, en adoptant des plans de relance considérables pour les secteurs économiques clés. Ces efforts permettent au PIB mondial de connaître un rebond spectaculaire de 6,47 % en 2021. La reprise se poursuit en 2022 et 2023, bien que de manière plus mesurée, avec des croissances respectivement de 3,46 % et 3,21 %. En 2024, la croissance se stabilise à 3,18 %, et le taux moyen de croissance pour cette période sous Biden atteint 4,08 %. Ce mandat a permis de redresser rapidement les économies mondiales après les ravages de la pandémie, avec des efforts d'investissement et de stimulation de la demande dans les secteurs les plus touchés.

4. Donald Trump Réélu (2025-2029) : Prévisions d’une Croissance Modérée
Avec l’élection de Donald Trump pour un second mandat , les prévisions économiques pour la période 2025-2029 laissent entrevoir une reprise modérée, mais stable, de l'économie mondiale. La croissance attendue oscille entre 3,23 % en 2025 et 3,09 % en 2028, avec une moyenne de 3,16 %. Ce second mandat devrait être marqué par la mise en œuvre de politiques économiques stables, sans les mesures de relance spectaculaires observées sous les présidences précédentes. L’absence de crises économiques majeures et l'absence de grands changements dans la politique fiscale ou commerciale devraient permettre une croissance régulière, mais moins rapide qu’auparavant.

Graphique 1 : Evolution en % du PIB Mondial 2008-2029


III - Exportations mondiales de 2008 à 2023 : La dynamique contrastée des présidences Obama, Trump et Biden

Depuis 2008, les exportations mondiales ont été largement façonnées par les politiques économiques des présidences successives. Sous Obama, la reprise après la crise de 2008 a été marquée par une forte croissance des exportations mondiales, soutenue par l'essor des exportations chinoises. En revanche, le mandat de Trump a été marqué par une stagnation des exportations, principalement en raison des tensions commerciales et du protectionnisme. Enfin, la présidence de Biden a permis un rebond post-pandémie notable, bien que le ralentissement des exportations chinoises ait mis en évidence les défis persistants, limitant ainsi la portée de cette reprise. Ainsi, la période Obama a favorisé une croissance des exportations, tandis que Trump a freiné les échanges mondiaux et Biden a contribué à un redressement, malgré des obstacles externes.

1. Sous la Présidence d'Obama (2009-2016)

Durant cette période, l'économie mondiale a connu une reprise progressive après la crise financière de 2008. Les exportations mondiales ont enregistré une croissance moyenne de 4 %, atteignant un pic de 19 012 milliards de dollars en 2014, avant de légèrement reculer à cause de la baisse de la demande et des fluctuations des prix des matières premières. L'Europe a connu une croissance modeste, avec une moyenne de 2 %, tandis que la Chine a connu un essor remarquable avec une croissance moyenne de 11 %, soutenue par l'expansion de sa production et de la demande mondiale. L'Amérique du Nord a enregistré une progression plus modeste de 5 %, malgré les tensions liées aux fluctuations des prix du pétrole.

2. Sous la Présidence de Trump (2017-2020)

La période Trump se distingue par une stagnation des exportations mondiales, avec une croissance moyenne proche de 0 %. Si 2017 et 2018 ont vu une forte augmentation de 10 %, l'impact de la guerre commerciale avec la Chine et de la pandémie de COVID-19 a entraîné une chute importante des exportations mondiales en 2020. En Europe, les exportations ont stagné, affectées par les tensions commerciales et les restrictions économiques. L'Allemagne, particulièrement dépendante des exportations, a connu une baisse de 5 % en moyenne. En revanche, la Chine a réussi à maintenir une croissance notable de 14 %, malgré les tensions commerciales, ce qui témoigne de la résilience de l'économie chinoise dans un contexte international tendu. L'Amérique du Nord a, quant à elle, enregistré une baisse de 6 % en raison de la faible demande mondiale et des restrictions liées à la pandémie.

3. Sous la Présidence de Biden (2021-2023)

Avec la reprise économique après la crise de la COVID-19, les exportations mondiales ont connu un rebond significatif, affichant une croissance moyenne de 3 % pendant cette période. L'Europe a bénéficié de cette reprise, enregistrant une croissance moyenne de 4 %, soutenue par la fin des restrictions sanitaires et le renforcement des échanges intra-européens, avec des progrès notables pour l'Allemagne et la France. En revanche, la Chine a vu son taux de croissance des exportations ralentir à 1 %, en raison des restrictions sanitaires prolongées et des tensions commerciales. Cependant, elle a conservé une position dominante en tant que premier exportateur mondial. L’Amérique du Nord, et en particulier les États-Unis, ont vu une augmentation de 8 % de leurs exportations, soutenue par la demande croissante dans les secteurs de l’énergie et des technologies.

Graphique 2 : Evolution en % des exportations mondiales entre 2009 et 2023 


IV - L’Évolution Contrastée du Tourisme Mondial (2008-2024) : Entre Crises et Rebond Post-Pandémique

Entre 2008 et 2024, le tourisme mondial a traversé des périodes contrastées, influencées par des facteurs économiques et sanitaires. La présidence de Biden (2021-2024) se distingue par un rebond spectaculaire du secteur touristique, avec une croissance annuelle moyenne de 86 %, alimentée par la reprise post-COVID, la levée des restrictions de voyage et une demande accumulée. En revanche, sous Obama (2008-2016), le secteur a progressé de manière régulière, avec une légère perturbation due à la crise financière de 2008-2009. La période Trump (2017-2020) a été marquée par une croissance modérée jusqu’en 2019, avant d'être sévèrement freinée par la pandémie en 2020, ce qui a fait de cette période la plus défavorable pour le tourisme mondial.


1. Période Obama (2008-2016)
 
Sous la présidence de Barack Obama, les arrivées internationales ont progressé de manière régulière, partant d'un volume de 930 millions en 2008 pour atteindre 1 239 millions en 2016. On observe une baisse initiale de 4 % en 2009, où les arrivées chutent à 892 millions, probablement en raison de la crise financière mondiale de 2008. Cependant, dès 2010, le tourisme reprend avec une croissance positive annuelle comprise entre 4 % et 7 %. En moyenne, la croissance annuelle durant cette période est de 4 % (2008-2016) ou 6 % si on exclut l’année de crise 2008 (2009-2016). Cette stabilité et ce taux de progression moyen reflètent un environnement favorable au développement touristique, soutenu par des politiques de relance et une reprise économique mondiale progressive.
 
2. Période Trump (2017-2020)

La période Trump présente une dynamique différente, marquée par une croissance modérée puis une forte récession en 2020. En 2017, le volume des arrivées atteint 1 326 millions, avec une croissance de 7 % par rapport à 2016. Les arrivées continuent d'augmenter, atteignant 1 400 millions en 2018 (+6 %) et 1 460 millions en 2019 (+4 %). Cependant, en 2020, le volume des arrivées plonge brutalement à 398 millions, représentant une baisse de 73 % par rapport à l'année précédente, impactée par la pandémie de COVID-19 et les restrictions de déplacement mondiales. Cette chute inédite fait baisser la moyenne de croissance annuelle pour la période 2017-2020 à -23 %. Toutefois, si l’on considère seulement les années 2017 à 2019 (avant la crise sanitaire), la croissance moyenne est de 5 %, un niveau proche de celui observé durant la période Obama.

3. Période Biden (2021-2024)

Avec l'arrivée de Joe Biden, l'industrie touristique connaît une reprise spectaculaire. En 2021, les arrivées internationales s’élèvent à 415 millions, affichant une légère hausse de 4 % par rapport à 2020, marquant le début de la reprise post-pandémique. En 2022, le volume explose à 917 millions, avec une augmentation impressionnante de 121 %, largement due à la levée des restrictions de voyage et au rebond de la demande accumulée. La tendance se poursuit avec 1 300 millions d'arrivées en 2023 (+42 %) et 1 489 millions en 2024 (+15 %). La moyenne annuelle de croissance pour la période Biden (2021-2024) est de 86 %, la plus élevée des trois périodes. Si l’on analyse les années 2022 à 2024, la moyenne annuelle est plus modérée à 31 %, ce qui suggère une stabilisation après le pic de croissance initial.
  
Graphique 3 : Les arrivées des touristes internationaux en millions (2008-2024)

Graphique  4 : Taux d’évolution annuels  (2008-2024)


À l’heure où le protectionnisme semble redéfinir l’ordre économique mondial, il est essentiel que le secteur du tourisme se prépare à naviguer dans un environnement plus complexe, entre risques de stagnation et de croissance modérée.

 
Lundi 18 Novembre 2024
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