Du théâtre jusqu’au sommet des montagnes

Samedi 1er août le rideau se lève pour la 18ème année consécutive sur les Rencontres Internationales de Théâtre en Corse. Avec toujours intacte la volonté « d'inventer les liens d'aujourd'hui entre Éducation Populaire, Théâtre et irrigation du territoire » rappelle Robin Renucci  président et fondateur de l’Aria (Association des Rencontres Internationales Artistiques). Le principe de l’Aria qui signifie aussi « l’air que l’on respire » mais également par extension l’Aghja « l’aire de battage du blé» en langue corse est de mêler dans la création théâtrale, des professionnels et des amateurs venus de tous horizons et de tous pays, des enseignants et des animateurs culturels, pour aller à la rencontre d’un public partenaire en lui offrant des spectacles créés sur place. Les Rencontres sont donc l'aboutissement de « Trente-quatre jours bouillonnants, 34 jours de fabrique in situ, où, amateurs et professionnels, jeunes et vieux, se retrouvent dans une démarche d'éducation populaire » rappelle avec ferveur et enthousiasme Serge Lipszyc, le directeur pédagogique des Rencontres. Cette année la soixantaine d’apprentis-comédiens, hébergés dans les vastes salles du collège Battaglini à Olmi Cappella sont encadrés par une vingtaine de professionnels, Alan Boone, Nadine Darmon, Yveline Hamon, Serge Lipszyc, René Loyon, Marie Murcia, Camille Nesa, Serge Nicolaï et Chani Sabaty.
 

Après un mois de répétitions en commun, les pièces sont traditionnellement jouées au mois d’août en plein air dans la micro-région du Giussani sur les communes de Pioggiola, Mausoléo, Olmi Cappella ou encore Vallica. Au détour d’une place de village, dans la douceur d’un champ d’oliviers, des milliers de spectateurs, touristes ou insulaires, se pressent chaque soir pour découvrir ou redécouvrir sous la voûte céleste, «Cendrillon» de Joël Pommerat, «Grand et petit » de Botho Strauss, « Eloquence à 18h, les grands Discours» (Jean Jaurès, Victor Hugo…), « Les Noces de Betía » de Ruzante, « Monserrat » d’Emmanuel Robles, «Les amants de Sonézaki » de Chikamatsu ou encore « Le mandat » de Nicolaï Erdman.

Une adhésion individuelle de 20 euros est demandée pour assister à l’ensemble des spectacles. En retour, le public a rendez-vous chaque jour avec les participants des Rencontres (metteurs en scène, comédiens, techniciens) pour parler des représentations de la veille ou pour participer à des tables rondes et des ateliers de lectures à voix haute. Ouverte à tous, l’Aria s’inscrit dans une démarche exigeante d’éducation populaire dans l’esprit de Jean Vilar et du TNP, qui cherchait à amener un large public vers un théâtre de qualité. « Mon action en Corse s’inspire d’un long cheminement que je parcours depuis ma jeunesse. Celui de l’éducation populaire. J’ai rencontré le théâtre en découvrant les stages de réalisation qui se passaient à Valréas (84). Aujourd’hui face à l’aliénation du « citoyen client », appelé à être un consommateur dès l’enfance, l’éducation populaire constitue un vecteur actif d’émancipation de chacun » rappelle Robin Renucci. Pour bien marquer cet engagement en faveur de la transmission théâtrale, l'Aria a reçu les 22 et 23 juillet les Tréteaux de France dont Robin Renucci est le président depuis 2011, avec le spectacle « le Faiseur » d’Honoré de Balzac.

Les Rencontres sont la partie la plus visible d’une action qui ne se limite pas à la période estivale. Tout au long de l’année, l’association monte des projets artistiques dans les écoles, intervient en organisant régulièrement des stages de théâtre, des ateliers cirque ou d’écriture. Ces travaux pédagogiques ont donné lieu à la création de scénarii pour la télévision et le cinéma, d’œuvres dramatiques pour le grand écran, le théâtre et la radio, d’un opéra, de textes pour l’enseignement de la langue corse. Mais l’événement le plus remarquable fut certainement la construction du pôle théâtral, « A Stazzona » - la forge- sur la commune rurale de Pioggiola. Cet espace scénique parfaitement adapté aux critères de la profession, possède une grande scène de 420 m2 pouvant accueillir 300 personnes, ainsi que 4 salles de travail. Ce véritable petit miracle en milieu rural est le fruit des efforts engagés par les quatre communes de la vallée du Giussani réunies en syndicat mixte pour faire face à l’isolement de leur territoire. Il permet notamment d’organiser en toute saison des stages de formation pour les enseignants et les scolaires de l’île.
 

Du 1er au 8 août, ce ne sont pas moins de 33 représentations qui seront proposées au public. Les cinq spectacles issus des ateliers de réalisation auxquels s'ajoute le spectacle du stage enfants « Acteurs en Herbe », chaque spectacle étant joué 4 fois. À cela s'ajoutent : des projections, des lectures, le spectacle des Rendez-Vous du Théâtre amateur Corse, celui de l'atelier théâtral du Giussani, une soirée de danses traditionnelles avec Ochju a Ochju en clôture et même une veillée lunaire ! Mais la fête du jeu, de la création et du spectacle vivant ne s’arrête pas là. Du 12 au 25, un dernier stage de réalisation théâtrale intitulé « Les Formes légères » propose sous la direction de deux metteurs en scène Charlotte Arrighi de Casanova et Marie Murcia d'explorer Voisin, un texte contemporain de François Cervantès et Andromaque de Jean Racine. Autant de bonnes raisons pour venir chercher jusqu’à la fin de l’été la fraîcheur dans le Giussani !