Au 17e siècle, la ville close ouverte sur l’Océan Atlantique, abritait déjà, juifs, musulmans et chrétiens, sous la protection du sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah. Située sur un site naturel exceptionnel, Essaouira qui a mainte fois changé de nom, est construite sur une île qui s’est vu relier il y a quelques siècles au littoral par les alluvionnements de l’oued Ksob. Dès le VIIe siècle av J.C, les Phéniciens y installèrent des campements de pêcheurs. Au premier siècle avant J.C, le roi Juba II, le bâtisseur de Volubilis, développe le commerce de la pourpre. Ce colorant rouge vif était alors très prisé des Romains. Il était extrait d’un mollusque le murex, qui se trouvait en abondance sur les îles Purpuraires en face de l’actuelle ville fortifiée. Plus tard, les tribus berbères appelèrent ce site Amogdoul, qui vient sans doute du mot phénicien migdol signifiant « tour de garde ».
Au XIVe siècle, Amogdoul change une nouvelle fois de nom et devient Mogdoura pour les Portugais (qui y construisirent en 1506 un port et une forteresse), puis plus tard encore pour les Espagnols Mogador, nom que la ville garda jusqu’à son indépendance. La citadelle elle-même fût fondée au XVIIIe siècle par le sultan Mohammed ben Abdallah. A l’époque, il était à la recherche d’un port franc pour commercer avec l’Europe et rivaliser avec Agadir. Car Essaouira à l’instar de Saint-Petersbourg, est une ville-pensée, jaillie des désirs du sultan et des plans de l’architecte français Théodore Cornut, alors captif aux Iles Purpuraires. Disciple de Vauban, il avait participé à la reconstruction des remparts de Saint-Malo, la cité corsaire de Bretagne. Ce dernier traça un plan d’une parfaite régularité qui donne à la médina une allure bien différente de celle des autres villes marocaines. A 174 km à l'ouest de Marrakech et à 406 km au sud-ouest de Casablanca, Essaouira encore nommée en arabe Al-Suwayra, (la bien dessinée), allait dès lors être promise à un bel avenir.
Communauté juive
C’est ainsi que pendant des siècles, la ville connut une formidable prospérité grâce à l’importante communauté juive. Mogador était alors avec Chaouen (Chefchaouen) une des rares cités du Maroc où la population juive était plus importante que la population musulmane. La suppression des taxes sur les marchandises attirait la bourgeoisie marocaine. Après la proclamation de l’indépendance en 1956, la plupart des juifs décidèrent d’émigrer aux Etats-Unis, en France et en Israël. Dans les années 60, Essaouira attira une partie de la communauté hippie. Jimi Hendrix y vécut par exemple cinq ans et voulu acquérir tout le secteur de Diabet, mais les autorités sous la pression de la population s’y opposèrent. Aujourd’hui, la station attire plutôt les véliplanchistes et les surfers. Classée depuis 2001 au patrimoine mondial de l’UNESCO la médina d’Essaouira a toujours fasciné les artistes et les intellectuels. Le style manuélin de la Sqala du port et le style Vauban de la Sqala de la mer ont servi de cadre à Othello, tourné en 1950 par Orson Welles ainsi qu’à la Bataille des trois Rois, de Souheïl Ben Barka réalisé en 1990.
De l’artisanat à l’art
Port de transit pour les marchandises, Essaouira l’est également pour la culture et l’artisanat. Largement utilisé pour la marqueterie, le bois de thuya n’était pas seulement incrusté d’ébène, de citron et de nacre, mais également d’os de chameaux et d’ivoire, une matière précieuse que les caravanes ramenaient régulièrement d’Afrique Noire. Essaouira a longtemps également rayonné dans le domaine de la joaillerie. Au fil du temps, les bijoutiers venus de Fès et de Séfrou ont répandu des techniques et des formes propres au Moyen-Atlas. C’est aussi parce qu’elle est elle-même le décor vivant d’une belle et d’une longue histoire, que cette ville est aujourd’hui la patrie et le creuset d’une multitude d’artistes et de peintres locaux. Alors que le carnaval de l’Achoura qui célèbre le nouvel an musulman est un rituel lunaire, le pèlerinage circulaire des Regraga est, quant à lui, un rituel solaire, qui commence avec l’équinoxe du printemps. L’un des événements les plus marquants sur le plan culturel, est l’arrivée des Regraga à Essaouira, chaque 5 avril qui donne lieu à de grandes réjouissances à travers la ville.
Festival Gnaoua d’Essaouira
A l’opposé d’une ville musée, le troisième port sardinier du Maroc accueille également depuis près de 20 ans, le Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira, qui se déroule cette année du 29 juin au 1er juillet. Un événement de renommée internationale qui a accueilli en deux décennies les grands noms de la « World Music » tels que Didier Lockwood, Ayo, Ibrahim Mâalouf, Maceo Parker, Richard Bona, Titi Robin, Salif Keita ou encore la diva marocaine Rachida Talal. Proche du blues, la musique de transe Gnaoua est traditionnellement chantée par des descendants d’esclaves originaires d’Afrique noire, notamment de l’ancien Soudan et des pays du sud du Sahara.
Etymologiquement, le mot Gnaoua proviendrait d’ailleurs du mot Guinée. Longtemps assimilés aux rites discrets et dangereux de l’exorcisme et du vaudou les Gnaouas sont aujourd’hui considérés comme de véritables célébrités, à l’image de Mahmoud Guinia (décédé en 2015). Musicothérapeutes, ils étaient connus pour soigner la maladie par les couleurs, les parfums et la transe. Tout en adoptant l’Islam, ils ont continué à célébrer les esprits africains au cours de rituels théâtralisés où ils s’adonnaient à la pratique des danses de possession. Ce rite particulier (désigné par le terme « derdeba ») qui avait lieu initialement la nuit (lila) était animé conjointement par un maître musicien (Maalem) accompagné de sa troupe, d’une voyante affiliée à la confrérie des Gnaouas et de ses assistantes.
Maître musicien
Encore aujourd’hui, la cérémonie des Gnaouas répond à un certain nombre de règles immuables. Dans un premier temps, la voyante régit les accessoires et les vêtements nécessaires à la cérémonie. De son côté, le maître musicien appelle par l’entremise d'incantations d’un luth-tambour (guembri) à trois cordes et en brûlant de l’encens les forces surnaturelles à se présenter afin de prendre possession des adeptes. Qraqeb ( longues castagnettes en fer ), Tbal ( tambours ornés), ballets acrobatiques , les Kûyûs, accompagnent alors la transe libératrice. De nos jours, la musique Gnaoua est aussi représentée par des groupes de femmes d'Essaouira, appelées «Mqadamate" pour le féminin de "Maalem". Depuis des siècles, les Gnaouas évoquent par la musique, la magie et la thérapie leur histoire. Un peuple parmi les peuples qu'il convient au moins une fois dans sa vie de rencontrer …
Du 29 juin au 1er juillet, 20e édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira : http://festival-gnaoua.net/fr/
Office de tourisme du Maroc : www.visitmorocco.com/fr
Office de tourisme du Maroc : www.visitmorocco.com/fr